Voici un texte que j’avais publié sur mon ancien blog. Il doit dater d’une petite dizaine d’années.
Aujourd’hui le train m’emmène au bord du Léman. Le Soleil est au zénith, j’ai assez chaud mais je me sens bien. J’observe les quais, les gens attendant le train, les autres passagers qui lisent le journal. Et moi j’écris, je trace des lettres qui peut-être n’existent pas, j’écris des phrases qui n’ont de sens que pour moi, des mots qui se perdent sur le papier ou quelque part dans ma tête, en espérant qu’ils tomberont, même dans très longtemps, peu importe, sous le regard impudique d’yeux assez compatissants pour me pardonner mes imperfections. Car il faut bien l’avouer, ce texte est décousu tel les loques d’un clochard, j’ai l’impression de ne pas maîtriser les mots comme si les phrases naissaient d’elles-mêmes et qu’elles m’avaient enfermé dans un labyrinthe hors de la réalité, le temps s’écoule sans que j’en aie conscience, à tel point que je ne sais combien d’heures se sont écoulées depuis que j’ai commencé. Mais c’est très agréable d’être dans sa bulle, de s’évader, de voyager avec son esprit et de se laisser aller à explorer des contrées imaginaires, bercé par la douceur de l’eau du lac.
Je suis sorti de ma torpeur par un arrêt à une gare. J’entends la lourde porte du wagon qu’on ouvre et pendant un bref instant, c’est la seule chose que je perçois, viennent s’y ajouter des bruits de pas que j’imagine être ceux d’une femme. La porte coulissante du compartiment s’ouvre alors et j’entrevois son visage qui me fascine, je la regarde, elle aussi et c’est là que je la reconnais. Nous nous sommes vus très peu de fois mais quand je me laisse aller à penser à elle, c’est un tourbillon qui me prend aux tripes, un feu d’artifices d’émotions dans ma tête. Et à chaque fois que cela me prend, j’ai l’impression que tout ce que je ressens est amplifié, comme si elle était plus réelle que tout le reste.
Nous restons longtemps à parler, les stations défilent sans qu’on les remarque, des gens montent et descendent sans qu’on leur accorde la plus misérable importance. En ce moment, il n’y a qu’elle et moi, face à nous-mêmes. Le train s’est comme dématérialisé, il a quitté le champ de ma conscience, je ne sais même plus s’il existe encore quelque part. Mais c’est bien la dernière chose qui m’importe, elle est là, et ça me va. Sa présence me tranquillise, je me sens encore mieux qu’avant. Je ne vois plus rien dehors, tout est blanc et sans tâche, il n’y a qu’elle en face de moi. Puis je remarque que le blanc semble se transformer, sa surface change. Des petits carreaux matelassés commencent à apparaître, elle est toujours là, en face de moi.
J’entends la lourde porte de la cellule qui se referme…