Laibach est un groupe de musique industrielle slovène qui officie depuis plus de trente ans. L’imagerie développée par le groupe ainsi que les paroles des chansons ont toujours suscité la controverse. Ils s’en jouent et cultivent cette ambiguïté comme marque de fabrique: « Nous sommes autant fascistes qu’Hitler a pu être peintre » déclarèrent-ils lorsqu’on leur demanda s’ils étaient fascistes. Ils donnèrent notamment deux concerts en Corée du Nord, ce qui fut sans doute facilité par la lecture pro-régime que l’on peut faire de leur œuvre.
Spectre est leur dernier album en date, et peut-être le plus accessible de tous. On se surprend à siffloter l’air de Whistleblowers, chanson-hommage aux lanceurs d’alerte tels que Snowden ou Manning. Dans Eurovision, le groupe nous dépeint une Europe tombant en pièces, non pas en tant que réalité géographique et culturelle, mais en tant qu’entité politique supra-nationale en laquelle le peuple ne croit plus sous sa forme actuelle. L’appel à changer les choses est clair dans Americana:
If you wanna change the system
Get out on the street
Cos’ if you don’t – you’ll hear a different beat
et comme si ce n’était suffisant, dans Just say no, Laibach s’adresse aux élites: Mystified and worshipped within your sphere / You are only happy when others live in fear.
Bref, c’est toujours une expérience étrange que de se plonger dans un de leurs albums, on ne sait jamais vraiment sur quel beat danser. D’ailleurs en parlant de beat, ils ont repris, sur la version deluxe de l’album, Love on the beat, de Serge Gainsbourg, donnant à ce tube de la pop un éclairage résolument distordu de son origine. Je ne sais toujours pas si l’on peut classifier Laibach quelque part. Peut-être que le but non-avoué du groupe est de susciter un questionnement chez l’auditeur, qui est alors forcé de prendre une position. Et vous qu’en pensez-vous?